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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 17:27

http://www.tendanceouestrouen.com/photos/maxi/4170.jpg

S'il y a bien une directive qui réunit tous les créateurs en animation c'est celle qui consiste à repousser toujours plus loin les limites techniques. Dans ce climat concurrentiel, il est réjouissant de voir que le studio Aardman, sans renoncer bêtement à l'innovation — le film est en 3D, pas très utile il est vrai — parvient à plier le progrès à son identité et non pas renier son identité pour céder aux sirènes du progrès (bonjour Pixar !). Si le principal élément d'identification est esthétique, ne nous le cachons pas, on remarquera tout de même cette facilité déconcertante et caractéristique à créer, à partir de clichés, un univers qui sait les dépasser, les transcender en s'employant sans peine à retourner les lieux communs, à détruire les acquis, n'hésitant pas à utiliser le second plan, au risque de laisser le spectateur inattentif sur la touche, Aardman n'a jamais été fait pour lui. On pense bien sûr, au passage obligé de la scène triste, avec un héros en proie au doute, ici complètement tournée en dérision par la chanson "I'm not crying" en fond, d'apparence triste si on ne prête pas attention aux paroles qui révèlent la supercherie. 

Et tout le film est dans cette vague, décontracté et cultivé, car son génie comique vient autant de sa connaissance des vieilles ficelles que de son aisance incommensurable à les réinterpréter, renouvelant à chaque minute le plaisir de voir s'agiter cette pâte à modeler, qui bien que plus lissée qu'à ses débuts, n'a rien perdu de son esprit et de son charme.

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20 mars 2012 2 20 /03 /mars /2012 15:20

http://www.the-yers.fr/wp-content/uploads/2011/12/boss1.jpg

Tom Kane, maire de Chicago, vient d'apprendre qu'il est atteint d'une maladie dégénérative et incurable. Cette terrible nouvelle tombe à un moment charnière : l'élection du gouverneur de l'Illinois.

Plongée vertigineuse dans le monde de la politique américaine, difficile de dire si l'intérêt de Boss réside davantage dans l'exploration passionnante du milieu, ou la véritable tragédie humaine qu'elle met en scène. C'est très certainement dans sa capacité à saisir les interpénétrations entre les deux, qui sans tomber dans le cynisme du "tous pourris" d'un côté ni dans la complaisance de l'autre, parvient à donner une profondeur bienvenue en s'engouffrant dans la dualité risquée mais nécessaire de l'homme face à sa fonction. Par conséquent, à l'instar de Breaking Bad, c'est véritablement une série de personnages, et donc d'acteurs, et cela devient très intéressant dès lors qu'on prend en considération que la politique est sans doute après le cinéma — et peut être même devant — le théâtre privilégié de la dramaturgie. Une mise en abyme qu'offre forcément un sujet comme la politique, mais qu'il convenait d'appréhender avec suffisamment de modestie et de subtilité, ce que Boss réussit.

Façades, illusions, mensonges, Boss intègre et se construit autour du scepticisme à l'égard de la politique en privilégiant, sans doute abusivement mais aussi parce que c'est ce qui est finalement le plus intéressant, son pendant officieux. Kelsey Grammer crève littéralement l'écran, sans pour autant effacer des seconds rôles qui, moins creusés tout de même, justifient d'épisode en épisode leur place, leurs objectifs. Car tout est de l'ordre de l'échiquier dans Boss : chacun sa place, sa capacité d'agir, ses limites, ses influences. Un tableau complexe mais dont la cohérence résiste à toutes critiques. En huit épisodes, dont la gestion narrative a de quoi laisser admiratif, Boss prend le parti de ne pas se satisfaire des enjeux politiques pur, mais d'extraire le drame humain caché derrière, et dont on comprend la puissance au gré des résurgences d'un passé que Safinia sait distiller avec une patience qui confine à la maestria dans sa manière de préparer le climax du pénultième épisode.

Contemplative, sans les dérives arty qu'on pouvait craindre avec la présence de Gus Van Sant, Boss témoigne d'une vrai "force tranquille" qui n'a rien à voir avec le fait qu'un homme de pouvoir cache sa maladie, hum.

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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 17:53

http://rstvideo.com/trailer/files/2011/10/memories-of-murder3.jpg

Le film qui m’a fait découvrir le cinéma coréen, et qui, même si je l’ignorais alors, trônerait encore longtemps comme un de ses représentants les plus légitimes. Dans le courant des années 1980, le cinéma coréen a profité de la libéralisation politique pour lancer sa « nouvelle vague » qui, découlant directement d’un relâchement des pressions militaires, allait faire de ces contraintes longtemps endurées, la première pierre d’un cinéma hautement subversif qui a appris à rester subtil pour pouvoir continuer d’exister. Ce qui est étonnant et remarquable, c’est cette capacité des cinéastes coréens à avoir su retranscrire les bouleversements sociétaux dans les interlignes de films qui ont toujours su dépasser leur genre de base afin de titiller les réflexes cognitifs du spectateur. En effet, si on peut se contenter d’apprécier le thriller, qui justifie à lui seul bien des éloges, ce serait passer à côté de quelque chose de plus grand, de plus féroce et de plus génial.

Sorti en 2003, Memories of Murder s’inspire des crimes commis par le premier serial killer coréen. D’emblée, avec le choix du sujet, on saisit tout le cynisme de Bong Joon-Ho qui rappelle que le calquage d’un modèle implique également d’en adopter les côtés les plus sinistres; et c’est d’autant plus vrai, d’autant plus extrême lorsque cette adaptation se fait en accélérée, comme ce fut le cas en Corée. Le génie de BJH est de mettre toujours le scénario au service des implicites à peine masqués qu’il glisse avec une telle aisance qu’on est parfois à la frontière du subliminal. Sans se détourner un instant de son intrigue haletante, il parvient à y intégrer un réquisitoire des plus violents contre la police, mais surtout — et parce qu’elle en est le reflet — contre un morphisme social déréglé et aveugle.

Tout l’enjeu du film repose sur le parallèle entre la vieille et la nouvelle Corée, la ville et la campagne, qu’évoque ici clairement l’opposition de style entre, d’une part le détective local et son associé, opportuniste pour l’un, violent pour l’autre, et d’autre part le spécialiste envoyé par Séoul, rigoureux et méthodique. On pourrait croire à un éloge de la modernité qui semble gagner la Corée tant le fossé apparaît gigantesque dans la concurrence policière nettement à l’avantage du Séoulite, mais c’est sans compter sur la permanente impasse qui barre la résolution de cette affaire, et qui, petit à petit, réunit dans l’échec les méthodes scientifiques comme les solutions radicales et brutales à coups de high-kick. C’est justement dans la rupture de la linéarité de cette opposition à sens unique que va résider le nœud dramatique du film. C’est à travers cette défaite totale de la Raison et, par extension, de la civilisation qu’on perçoit le cynisme effroyable que constitue la renversante conclusion du film.

Au-delà de ce regard lucide et inquiet sur un pays en quête de repères, Memories of murder est, sur le plan strictement cinématographique, un chef d’œuvre d’une telle richesse et d’une telle inventivité, qu’une analyse séquentielle serait nécessaire pour mieux mettre en lumière cette maîtrise totale de l’outil cinématographique qui permet à Bong Joon-Ho de mettre sa connaissance des codes au profit de leur redéfinition permanente. Si les genres au cinéma sont autant de langages, on est sans nul doute avec Bong Joon-Ho en face d’un des plus grands polyglottes. Alors que le thriller a longtemps été le pré-carré du cinéma américain, qui faute de concurrence a commencé à s’essouffler à l’orée du nouveau millénaire, sans que personne ou presque ne s’en insurge, Bong Joon-Ho se permet de mettre une violente gifle, une leçon de cinéma à qui croyait que le thriller était en perdition et mieux, à qui croyait qu’il ne pourrait jamais être autre chose qu’une addition d'éléments qui lui sont propres et qui le définiraient. A rebours, Bong Joon-Ho ose une oeuvre protéiforme incroyablement drôle dont l'apparat burlesque est le reflet le plus représentatif des grands écarts qui font sa teneur et sa puissance. 



Memories of murder est l’œuvre d’un funambule, qui a compris que le nécessaire n’était pas de trouver l’équilibre, mais de le trouver là où il est le plus difficile à tenir, non pas seulement à cause de la durée qui joue contre lui, mais par la force des a priori qui, nourris de suffisance et d’habitude, refusent de croire qu’on peut encore créer, inventer, réinventer, qu’on peut encore faire du cinéma l'avant garde du langage de demain.

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8 mars 2012 4 08 /03 /mars /2012 23:18

http://icelandchronicles.com/wp-content/uploads/2011/09/o31a_3.jpg

On connaissait le traitement de l’addiction avec l’épileptique Requiem for a dream, qui avait fait le pari de traduire cinématographiquement et viscéralement les effets de stupéfiants. On avait aussi le Trainspotting de Boyle, davantage rock and roll, moins première personne aussi, qui s’attachait plus à montrer la faillite sociale et non, comme Aronofsky, la faillite de soi. Oslo, 31 Août, quant à lui n’entend aucunement s’inscrire dans le « genre » — si tant est qu’il en existe un — des films sur la drogue ou l’addiction. 

On y suit la journée d’Anders, jeune homme tout juste sorti de désintoxication qui va tenter de refaire sa vie. Mais loin des objectifs sensibilisateurs de certaines œuvres, Oslo ose ne pas faire — ou du moins de ne pas imposer — le choix de la vie face à celui de la mort. Lors de la superbe scène du bar, où Anders perçoit les conversations inintéressantes des autres clients, Joachim Trier va même jusqu’à souligner la banalité de l’existence, en interroger l’utilité. Les rencontres, les retrouvailles avec son ancienne vie, ses anciens amis, traduisent toutes ce sentiment de vide impossible à combler, à contenter de nouveau, comme si tout n’avait toujours été qu’illusion mais qu’Anders s’en rendait compte ce 31 août. 

Si la trame n’est pas intéressante en soi, elle le devient lorsqu’elle permet, par retour autobiographique en Super 8, d’opposer un passé fantasmé avec le rêve d’un impossible présent. Un contraste bouleversant qui imprègne le film d’une étonnante mélancolie, rejetant les impératifs de la narration derrière les regards fantomatiques et irréels de la caméra. Dès lors, quand on acquiert une telle puissance de l’image, et qu’on a fait du minimalisme dramatique son leitmotiv, il est un peu étrange et contradictoire de surligner, musicalement et émotionnellement, une conclusion qui avait suffisamment de puissance par ce qu’elle montrait et évoquait. Comme si Trier s’excusait d’avoir été si âpre, oubliant que c’est là tout l’intérêt d’Oslo, 31 Août, œuvre qu’il faut accepter, endurer, aller chercher.

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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 17:52

the-grey.png

The Grey, contre toutes attentes — et sans doute aussi parce qu'il ne le fait pas vraiment exprès — s'avère ne pas être un si mauvais film que ça. Scénario vu et revu, à la limite de la décence, on aurait tous les arguments pour tuer le film dans l’œuf, et on s’en serait donné à cœur joie s’il n’y avait pas cette modestie, ou cette apparence de modestie, ce côté fauché et carton-pâte qui fait qu’on le prend difficilement au sérieux.

Le Territoire des Loups ne prétend aucunement réinventer le survival et encore moins lui (re)donner ses lettres de noblesse, encore aurait-il fallu qu'il en ait les moyens... Il y a quelque chose d’à la fois ridicule et touchant dans ce film, d'une part parce qu'il est grossier comme pas deux, qu'il nous fait un coup digne du Pacte des Loups niveau numérique, mais d'un autre côté son envie permanente de passer outre ces abominables effets, cette rage d'exister a quelque chose de puissant, primaire et élémentaire. N'allons pas plus loin, il ne s'agit en aucun cas d'un chef d'œuvre, et sans doute n'est ce même pas un bon film, mais osons défendre l'indéfendable, allons chercher les arguments enfouis sous 3 mètres de neige et au moins autant de chair déchiquetée. Ses réflexions restent basiques, entre fuite d'un pragmatisme nécessaire et existentialisme bon marché, on n’échappe pas au pathos minimal, à ceci près que Carnahan semble vouloir s'en servir à contre-emploi, sadiquement, comme l'illusion d'un échappatoire inaccessible.

Si le film est globalement maladroit, s’il ne ménage absolument pas ses effets, abuse de son grattage de cordes sensibles, son côté emprunté et bulldozer fait qu’il se permet des transitions entre les scènes et entre les genres — de la psychologie à la boucherie — si peu orthodoxes qu’elles en deviennent jouissives, presque comiques. Aussi sa manière très ostentatoire de contourner les pièges narratifs qui se trouvait devant lui, du genre « Quand Liam en appelle à Dieu, la montre-radar aurait pu sonner, mais on le fait pas vous avez vu, on le fait pas, on vaut mieux que ça, on va faire mieux que ça », ajoute encore à ce côté gamin qui est content de son dessin de bonhomme patate moins patate que son copain de sieste.

Difficile de savoir si sa touche kitch émane d'une volonté caustique du réalisateur, ou s'il a cru deux minutes à son film, il n'en reste pas moins que Carnahan a tellement envie de faire son cinéma — jusqu’en devenir poussif — qu’il nous embarque quasiment de force dans son trip mi-brutal, mi-contemplatif (disons quand même 2/3 brutal). Au-delà de ses dehors racoleurs et barbares, The Grey a au moins le mérite de ne pas se donner le poids supplémentaire du complexe d’infériorité, et à ce niveau-là, c’est déjà ça de pris.

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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 21:11

http://myscreens.fr/wp-content/uploads/2012/02/chronicle-critique.jpg

Je crois qu'on va finir par comprendre. Le philosophe Benjamin Parker, oncle de l'arachno-américain Peter Parker nous avait prévenu : "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités". Les jeunes ne sont pas des personnes responsables. Lorsqu'ils se découvrent un pouvoir, ils l'utilisent pour leur kiff personnel, pas du tout pour le bien commun de l'humanité parce qu'il faut bien profiter de la jeunesse et aussi parce que les pompiers n'ont pas bonne presse dans ce film. Cela leur permet de s'élever socialement (Kick Ass), avant que ce même pouvoir finisse par les déborder (Misfits) et que l'un d'entre eux, rejeté depuis son enfance, deviennent carrément barge (Prodigies). Mais la morale est sauve, le mec qui a lu Schopenhauer en diagonale devient maître de la Raison et il met direct le holà à la volonté de puissance de l'autre même si ça provoque en lui un déchirement qu'il devra soulager en accomplissant les rêves inachevés du défunt (choisissez le film référentiel, y'a le choix).

C'est quand même un exploit d'avoir réussit, en trois ou quatre ans, à user jusqu'à l'os le concept du super-teenagers... La moyenne pour le nounours moralisateur, et deux, trois autres abus de (super) pouvoir.

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21 février 2012 2 21 /02 /février /2012 15:21

http://www.cinechronicle.com/wp-content/uploads/2011/08/La-Taupe-John-Le-Carr%C3%A9.jpg

A l'heure où sont exhibés tous les ans des dizaines de blockbusters bruyants, explosifs et tapageurs — ce qui n'est pas forcément synonyme de mauvais film par ailleurs — on aurait tendance à dire que "La Taupe" est un film marginal. L'excessif étant devenu la norme, un tel classicisme est aujourd'hui paradoxalement apparenté à de la nouveauté, à de la créativité, comme si l'on avait oublié qu'il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine c'étaient ces films là les films dits "normaux".

Impeccable dans sa manière si délicate d'infuser dans son film un parfum de désuétude, Alfredson ne cherche jamais à provoquer les effets qui lui vaudraient le label "à l'ancienne", mais attache beaucoup d'importance aux détails, qu'ils soient visuels, et ça tout le monde appréciera, ou narratifs, et là on laisse du monde sur le bord de la route. Très commentée et considérée comme la clé de voûte du film, l'intrigue, aussi complexe soit-elle dans ses entremêlements, reste tout à fait accessible si l'on en reste au squelette narratif, à la structure globale. Dès lors, qu'on fasse l'effort d'un deuxième visionnage pour éclaircir les zones d'ombres — et éventuellement, pour soigner les insomnies causées par ces mystères irrésolus — ou qu'on se contente de ce que l'on aura pu déceler d'un premier visionnage, on appréciera d'abord et surtout Tinker, Tailor, Soldier, Spy pour son élégance et sa sobriété, qui sont pour le coup, les véritables preuves de sa grandeur.

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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 13:45

http://www.cinemovies.fr/images/data/news/Gh1370416335.jpg

C'est peu dire que les derniers Fincher étaient décevants. Machines hollywoodienne millimétrées mais sans relief, elles laissaient dubitatif quant à la présence ou non du bonhomme derrière la caméra. Ce qui est encore plus incompréhensible que le grand écart entre le Fincher subversif et celui qui s’effaçait derrière des œuvres totalement impersonnelle, c'est que ce changement radical de style, au lieu de questionner le spectateur sur l'avenir d'un cinéma tendant inexorablement vers l'uniformité, a convaincu ce dernier que ces films totalement insipides étaient la marque de fabrique d'un grand réalisateur. Y a-t-il besoin de souligner encore le contresens général ou apparaît il de lui même ?


Millenium, et c'est déjà une qualité en soi, ne se range pas si facilement qu'on le voudrait dans une case ou dans l'autre. Si l'on peut d'abord croire à un univers gothique quand on appréhende le film seulement par sa magnifique affiche, on comprend dès le générique que le film sera habillé et habité d'une tout autre ambiance. Le travail sur la couleur noire a ceci de remarquable qu'il suffit presque à lui seul à résumer le film, son côté métallique, froid correspondant parfaitement à la dimension rationnelle et livide du métrage. Loin des considérations affectueuses et sentimentales, toutes vouées à l'échec, Millenium dépeint la froideur du monde moderne dans une Suède loin de la chaleureuse social-démocratie et des krisprolls croustillant. Ce qui constituait la faiblesse des récentes réalisations de Fincher, le côté impersonnel et sans âme de The Social Network au premier rang, se traduit ici comme l'argument majeur de ce thriller moderne qui fait de l'inhumanité l'origine et les conséquences des situations macabres qui s'enchainent.


S'il tient admirablement le rythme sur plus de deux heures, il faudra faire abstraction des vingt dernières minutes qui, s'en être totalement bâclées, nous replongent dans l'intrigue liminaire qu'on avait fini par oublier et dont la conclusion hâtive prouve qu'elle est plus un poids pour le film qu'une réelle conclusion. Au final, on aurait tort de bouder Millenium, ne serait ce parce que Fincher montre qu'il a encore assez de talent pour glisser derrière une œuvre en apparence classique, quelques détours délicieusement manipulateurs.

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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 15:26

http://www.edogo.com/userfiles/image/community-tv-show-600x250.jpg

Dire que Community s'apprécie proportionnellement au degré de connaissance de la culture populaire américaine est partiellement faux. S'il est indéniable que le fonctionnement ultra-référentiel de la série demande au spectateur une connaissance minimale du paysage audiovisuel américain, il est en revanche très restrictif de définir Community comme son abécédaire.

Elle l'est, mais elle est beaucoup plus que ça. Community utilise le langage télévisuel pour mieux le retourner contre lui. C'est comme voir un film à travers son tournage mais où les acteurs seraient tout à la fois leur personnage et conscient d'être en train de le jouer puisque le tournage serait en fait le film (ça suit toujours au fond de la classe ?). Community met à nu tout le procédé audiovisuel (de la technique jusqu'au jeu d'acteur lui même), et utilise cette transparence comme un nouveau modèle d'intrigue, où Abed, véritable chef d'oeuvre de méta-personnage, serait le lien toujours visible, accessible entre la fiction qu'est la série et la réalité. S'érige par le biais d'Abed principalement mais pas que, une sorte de réalité parallèle matérialisant ce qu'on appelle communément : le recul. 

Community ne laisse pas le spectateur avoir du recul, elle le fait pour lui en l'interpellant directement. On est en pleine exploration d'une conception comique impressionnante d'ambition et d'autant plus excitante que jamais (ou du moins, jamais si bien) explorée.

Le plus fort est tout de même de ne pas se contenter d'un balayage culturel pourtant à lui seul déjà génial et colossal, mais bien de ne jamais perdre de vue que Community ne doit cesser d'être elle même une série qui parle des autres pour parler d'elle même tout autant qu'elle parle d'elle même pour parler des autres. Si vous n'êtes toujours pas convaincu, il y a toujours l'argument consistant à piquer la curiosité du lecteur en énonçant deux ou trois scènes, personnages ou épisodes géniaux et représentatifs de la série. Mais faire un choix entre Señor Chang le "professeur" d'espagnol chinois, un professeur de poterie traumatisé par le film Ghost (et sa fameuse scène du vase la poterie), une parodie de Mad Men incluant Alison Brie jouant aussi dans Mad Men, l'épisode du complot repoussant jusqu'à ses limites le concept dramaturgique de rebondissement, et environ une dizaine de milliers de millions d'autres idées comiques, au moins...


On pourrait bien y rester des heures, alors qu'il suffit de passer 20 minutes devant un écran et laisser Community le transpercer.

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15 décembre 2011 4 15 /12 /décembre /2011 12:32

ghost-dog-sword.png

Jim Jarmush est marqué d'une sorte de spleen baudelairien à la sauce post-moderne (faut le voir pour le croire). Son Ghost Dog est un film de fin de siècle qui résonne comme un appel lointain, venu du Japon ancien, qui se mêle avec style au milieu urbain des USA. Ce mélange des genres a priori étrange n'est pas nouveau puisqu'il était une sorte de marque de fabrique du Wu Tang Clan dont le membre RZA compose la bande originale du film (coïncidence?). Le film s'amuse de son ambition à rassembler, à mélanger, au moyen de scènes drôles et attendrissantes où dialoguent trois langues différentes qui ne se comprennent pas tout en disant la même chose.


Un reflet loufoque qui cache des réalités plus graves que Jarmush refuse de traiter de manière frontale, préférant une voie plus imagée qui correspond mieux à sa façon de faire, plus efficace finalement. Un samouraï aux États Unis, à la société dite "libre" mais finalement pervertie et corrompu par quelques artefacts futiles, Jarmush oppose une tradition où le respect et les codes éthiques fondaient la cohésion de la société. Vision un peu simpliste mais qui, en refusant une diabolisation malvenue, se fait entendre et donne à penser.


Seulement Jarmush a les défauts de ses qualités, en ce sens qu'en voulant faire de son film un appel universel, il perd en concision et réveille les démons qui emporteront quelques années plus tard son intelligent Broken Flowers dans des déboires insipides. Nuisant à la substance première du film, Jarmush égare sa trame initialement épurée dans des épaisseurs inutiles et handicapantes. On a tout de même envie de le défendre, de retenir ce qu'il y a de bien dans ce Ghost Dog, son humanité et ses élans artistiques, même si on regrette certains écarts naïfs et un scénario quelque peu additif.

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