Tom Kane, maire de Chicago, vient d'apprendre qu'il est atteint d'une maladie dégénérative et incurable. Cette terrible nouvelle tombe à un moment charnière : l'élection du gouverneur de l'Illinois.
Plongée vertigineuse dans le monde de la politique américaine, difficile de dire si l'intérêt de Boss réside davantage dans l'exploration passionnante du milieu, ou la véritable tragédie humaine qu'elle met en scène. C'est très certainement dans sa capacité à saisir les interpénétrations entre les deux, qui sans tomber dans le cynisme du "tous pourris" d'un côté ni dans la complaisance de l'autre, parvient à donner une profondeur bienvenue en s'engouffrant dans la dualité risquée mais nécessaire de l'homme face à sa fonction. Par conséquent, à l'instar de Breaking Bad, c'est véritablement une série de personnages, et donc d'acteurs, et cela devient très intéressant dès lors qu'on prend en considération que la politique est sans doute après le cinéma — et peut être même devant — le théâtre privilégié de la dramaturgie. Une mise en abyme qu'offre forcément un sujet comme la politique, mais qu'il convenait d'appréhender avec suffisamment de modestie et de subtilité, ce que Boss réussit.
Façades, illusions, mensonges, Boss intègre et se construit autour du scepticisme à l'égard de la politique en privilégiant, sans doute abusivement mais aussi parce que c'est ce qui est finalement le plus intéressant, son pendant officieux. Kelsey Grammer crève littéralement l'écran, sans pour autant effacer des seconds rôles qui, moins creusés tout de même, justifient d'épisode en épisode leur place, leurs objectifs. Car tout est de l'ordre de l'échiquier dans Boss : chacun sa place, sa capacité d'agir, ses limites, ses influences. Un tableau complexe mais dont la cohérence résiste à toutes critiques. En huit épisodes, dont la gestion narrative a de quoi laisser admiratif, Boss prend le parti de ne pas se satisfaire des enjeux politiques pur, mais d'extraire le drame humain caché derrière, et dont on comprend la puissance au gré des résurgences d'un passé que Safinia sait distiller avec une patience qui confine à la maestria dans sa manière de préparer le climax du pénultième épisode.
Contemplative, sans les dérives arty qu'on pouvait craindre avec la présence de Gus Van Sant, Boss témoigne d'une vrai "force tranquille" qui n'a rien à voir avec le fait qu'un homme de pouvoir cache sa maladie, hum.